·

La leçon de tentation

La terrasse était bien ombragée et très agréable en cette fin d’après-midi. Le printemps généreux s’était invité depuis de nombreuses semaines déjà dans les rues parisiennes. Les robes fleuries, amples et dansantes étaient de nouveau de sorties. Les jambes fines et élancées se trouvaient mises ainsi en valeur pour les yeux acérés des quelques messieurs présents. Les regards se frôlaient au rythme des déplacements entre les tables. Tout était soigné, réfléchit, de sorte qu’on se sente bien, presque comme chez soi. Entre amis… Entre amis qui se regardent.
Les jeux d’ombre offerts par le soleil sublimaient le tableau. Cette sorte de ballet aurait pu se retrouver sur une toile. Pour les yeux d’Eloise, l’exercice d’attente de son père dans un tel lieu éloigné de ses habitudes et de son quartier, était un bonheur pour son regard assorti d’une imagination débordante.

Elle ne pût s’empêcher de se demander pourquoi les femmes aisées étaient toutes aussi belles, sveltes, avec un style mannequin inimitable ! Le dresscode ne s’arrêtait pas au choix des matières, formes et couleurs portées. Sans aucun doute, les soies et les lins des tenues servaient à sublimer les lignes ultra féminines. Les courbes s’offraient presque, comme une invitation à danser avec elles. Eloise aurait adoré, ne serait-ce qu’un instant, faire partie de ces femmes qu’on admire et, à n’en pas douter, qu’on désire. Car depuis bientôt 30 minutes qu’elle patientait, le désir était servi comme des thés et cafés, en version allongée et sucrée. Mais pas à sa table. Le serveur l’avait d’ailleurs reluqué d’une manière qui en disait long… Sur sa classe sociale !

Eloise se demandait pourquoi son père lui avait donné rendez-vous dans un tel lieu. Quelle étrange idée ? Cherchait il à la mettre mal à l’aise ? À la mettre à l’épreuve de ce qu’elle devait viser comme objectif pour son avenir ? Ou cherchait-il tout simplement à voir sa réaction ? Il est vrai que très souvent, il aimait donner à sa fille l’occasion de développer son intégrité, sa curiosité, son libre arbitre en la mettant au travail d’une bien étrange façon ! Pour lui, l’éducation se faisait partout et surtout en dehors des classes et des livres. Elle se souvenait d’une leçon apprise quelques mois plus tôt, lorsqu’il l’avait emmenée voir un match de basketteurs handicapés. Il voulait qu’elle comprenne que même en fauteuil, il y avait des joueurs plus incisifs que d’autres, et qui voulaient gagner coûte que coûte ! Même dans l’unité, la différence était toujours là. Il y avait eu aussi la fois où un mercredi après-midi, il lui avait ouvert les portes du tribunal en assistant à une mise en accusation. Elle avait eu pour mission de regarder attentivement la mère du jeune inculpé, pour y voir l’amour inconditionnel alors que la faute était admise. La leçon avait été atteinte quand Eloise avait vu la mère s’effondrer en larmes et en cris déchirants, devant l’annonce des mois de prisons pour son fils de 23 ans, qui avait attaqué une vieille femme afin de lui subtiliser son sac à main. Sur le chemin du retour, son père lui avait parlé des différents points de vue face à une même situation. L’angle d’approche pouvait tout changer. Il avait eu pourtant l’air moins convaincu quand Eloise lui avait ramené le lendemain un 7 sur 20 en français !

Perdue dans ses pensées, Eloise se laissait bercer par l’ambiance chaleureuse et chic de l’endroit, le bruit léger des conversations autour. Elle en oubliait presque qu’elle n’était pas dans un lieu familier. Ni même qu’elle attendait son père.

Eloise comprit rapidement pourquoi ce dernier l’avait fait venir dans ce café chic quand elle le vit arriver au bras d’une femme d’une classe à couper le souffle. Très éloignée du style de sa mère, plutôt bohème. Un homme très élégant également les accompagnait. Le trio était superbe, son père était différent, une classe peu habituelle émanait de lui étrangement comme si l’allure des ces deux escortes avaient déteint sur lui. Sa légère barbe négligée du jour devenait assumée et classe dans ce contexte. Il était beau, comme elle ne l’avait jamais vu.
Tous trois la saluèrent chaleureusement comme s’ils la connaissaient. Son père la prit par les épaules un long moment. Il appuya son amour d’un clin d’œil qu’elle lui rendît. Les boissons commandées, la discussion s’embarqua sur les sorties théâtre du moment. Eloise fut amusée car elle savait que son père n’allait jamais au théâtre. Il préférait le cinéma, son porte-feuille aussi. Pour autant, il n’était pas avare en commentaires et avis sur les dernières pièces. Eloise buvait les paroles échangées tout en sirotant son Vittel fraise. Elle adorait la nouvelle leçon, bien loin encore de sa zone de confort ! L’échange fut interrompu par un coup de téléphone. La femme, avocate d’après les déductions d’Eloise, dû s’en aller malheureusement assez précipitamment. Elle le regrettait. Pas autant que la jeune adolescente. Elle n’aurait su expliquer ce moment mais elle avait adoré faire partie un court instant des grands ! Dans tous les sens du terme ! À peine la femme était partie qu’étrangement l’ambiance changea de manière presque imperceptible. Le père d’Eloise était étonnement plus tendu, il manipulait le bracelet de sa montre de manière compulsive. Elle ne la connaissait pas d’ailleurs. « Une nouvelle montre » le questionna-t-elle ? Il leva les yeux de manière inconsciente vers l’homme qui baissa discrètement le regard vers ses mains. Il semblait gêné. Il était si beau. Eloise ne pouvait s’empêcher de le regarder. Un regard vert tendre époustouflant, des traits fins, un sourire enjôleur lui donnaient des airs de star de cinéma. Elle aussi adorait le cinéma, encore plus d’un seul coup. Son père avait les joues roses, il était tellement différent, là, à cet instant. Eloise regarda autour d’elle, les gens étaient beaux, classes, si impénétrables aussi… Le désir, une pointe d’amour charnel étaient partout et sans se l’expliquer, Eloise se sentit gênée. Elle croisa le regard de son père. Elle comprit qu’elle était de trop…

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

2 Responses

  1. Écrire c’est d’abord prendre en main un crayon , un stylo, peut-être une plume voire une souris.
    Cette fameuse liste d’ hier va t- elle diminuée ou s’ allonger ?Prenons notre outil en main .
    Relisons cette liste .
    Et m….. elle ne va pas diminuer beaucoup aujourd’hui.
    3 rayures effectuées sauvagement , 3 corvées faites la veille 3 soulagements , le papier souffre aussi de cet acharnement.
    Vite un nouveau support vierge que c’ est beau une liste blanche .
    Peut elle le rester longtemps ?
    Hélas non .
    Recopions illico les choses à faire .
    De très urgent à remettre à plus tard…….
    Mon crayon tourne entre mes doigts et ma liste apparaît. On dirait quelle me regarde, me nargue , c’est qu’ elle sourit en plus , elle ne s’ arrête pas ….
    Mon dieu quand est-ce qu’ elle va s’ arrêter.
    Je tourne mon agenda et qu’ est ce que je vois……
    Demain Vacances…,,,,,
    Je souris et ma liste s’ arrête nette .
    Je pose mon crayon lui aussi se marre il va passer quelques jours de repos .
    Mon chat saute sur lui et il se retrouve parterre .
    Je me baisse le ramasse le cale sous mon cahier et lui souhaite de retrouver une meilleure mine .

    1. Hé j’adore l’idée de la réponse détournée à ma proposition de texte. Votre envol des mots est très réussi ! Je suis impressionnée. Les mots sont bien choisis et je vois que l’humour est un vecteur commun ! merci pour ce joli partage de style ! Je suis sensible à votre intérêt…
      J’espère que vous aurez ce message cette fois…
      Régine

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Nullam quis risus eget urna mollis ornare vel eu leo. Aenean lacinia bibendum nulla sed 

Join our newsletter and get 20% discount
Promotion nulla vitae elit libero a pharetra augue